ÉPISODE 1 : CARNOUSTIE
Cela faisait un an que la date du pèlerinage était fixée.
C’est long une année quand on est désormais certain qu’un
rêve d’enfant va se réaliser.
J’avais douze ans, l’âge où on part encore en vacances avec
ses parents, Écosse au programme. Baignade dans le Loch Ness, l’eau reste
fraîche en aout et mini-golf à Saint andrews, sur un vrai mini-golf, sans
moulin, juste un immense green plein de bosses… au milieu de parcours immenses
et interdits…
Plus tard, à la télévision j’ai vu un espagnol gagner une
compétition magique… juste à coté du mini-golf.
30 ans après quand Dominique Fournet m’a expliqué que pour
aller jouer sur le parcours qui avait écrit l’Histoire du golf j’avais juste
besoin de trouver 6 copains prêts à me suivre, j’ai envoyé immédiatement
quelques mails. À ma pas grande surprise, les réponses positives sont arrivées
très vite !
Et c’est à ce moment là que l’attente a commencé…
C’est long une année.
Mais ça y est, nous sommes le 26 octobre 2013. À l’aéroport
il y a Alain, le compère de Villennes, Sébastien le gaucher de Caen et son ami
Bertrand qui bien que droitier joue vers la gauche, puis vers la droite. Il y a
Sébastien l’autre gaucher, celui qui a un backswing aussi grand que son
enthousiasme. Il y a Duc, le compère du KGB, coupeur de magrets et de fairways.
Il y a Paul, le chanceux de dernière minute qui a reçu un magnifique cadeau
d’anniversaire de 5jours et enfin et surtout il y a Dominique, celui sans qui
rien ne serait arrivé, celui qui nous a permis à tous de fouler les terres de
l’histoire du golf.
Nous sommes le 26 octobre, à Roissy, il est 16h, dans vingt
heures nous serons sur le tee n°1 de
Carnoustie le carnassier…
Arrivés sur place, nous allons loger le premier soir dans
« Bed&Breakfast » situé en face du fairway du 18. Pour le moment
il fait nuit, il y a une heure de décalage et cette nuit nous allons passer en
heure d’hiver, demain matin c’est grasse matinée.
Et au petit matin, surprise, la météo n’est pas du tout
celle attendue… il fait beau…
Peut être un peu de pluie prévue l’après midi nous dit le
maître du B&B et un peu de vent, rien de méchant visiblement.
Il est 10h, on fait les touristes dans le Pro shop du
clubhouse, les cartes bleues fument vite chez les touristes.
Un point à savoir pour les fans de l’heure de practice
pré-parcours avec Driving range,
approches et putting inclus, en Écosse, il n’y a que le putting qui soit inclus.
Quand un écossais voit des hectares de terre, il met des moutons ou un golf,
pas de place pour le practice, par contre un putting green roulant comme un
billard, ça il y en a toujours un pas loin du tee n°1.
Et ce n’est pas pour rien qu’il y a toujours à coté du tee
n°1 un putting green roulant comme…. Un green écossais.
Il est 11h, le starter nous accueille chaleureusement, on
démarre une petite discussion, lui en roulant les « r », moi essayant
de suivre. On lui explique que l’on est en pèlerinage, que l’on commence ici et
que demain nous jouerons à Saint Andrews. Il a une remarque
« amusante » juste après nous avoir expliqué que nous c’est
départ jaune, oui même à 10 d’index :
- -
Saint Andrews ? Ok… Demain vous allez jouer
au golf mais aujourd’hui vous jouez Carnoustie…
Le dernier mot est exprimé de façon grave et posé, le ton
est donné surtout qu’il fait exprès de dire « Carnastie » au lieu de
Carnoustie, les anglophones auront compris le jeu de mot, les autres sentiront
bien qu’il y a du carnassier dans le ton. Oups…
Petite photo de départ, le sourire heureux d’y être enfin,
le premier trou est un par4 de 389 yards, ah bah oui ça va causer en yard
aujourd’hui, faut rester dans le ton. En même temps, avec la température 1 yard
vaut 1m. Autre info, avec le vent d’Écosse, un coup de fer7 peut faire de 80 à
170 yards. Conclusion, il faut choisir son club intelligemment et ne pas
vous étonner des numéros de clubs que je vais écrire tout au long de mes récits
écossais.
Comme nous allons jouer 5 jours et que nous sommes 8, nous
allons faire deux parties de 4 en changeant les groupes chaque jour, que tout
le monde joue avec tout le monde. Sébastien de Caen aime épicer les parties en
saupoudrant d’un peu de Matchplay,
aujourd’hui ce sera un « 4 meilleure et plus mauvaise balle »,
Sébastien et Bertrand contre Duc et moi.
Oui, enfin, on va surtout essayer de survivre tous ensemble contre
le Monstre.
Parce que Carnoustie est un monstre, un vrai.
C’est un links pur et dur, brut de décoffrage, sans
fioriture inutile. Un fairway que beaucoup en France aimeraient avoir comme
green, un green qui fait penser que le curling doit pouvoir se jouer sur gazon.
Des bunkers à la forme unique, fabriqués par les moutons pour se protéger du
vent, si ça se trouve, un écossais s’est dit un jour, « tiens on va mettre
du sable dedans ça fera joli sur le tableau ». Depuis les moutons sont
partis parce qu’ils n’ont pas le handicap pour jouer et on se retrouve avec des
tas de sable partout, invisibles du départ pour la plupart en plus, et oui, les
moutons se protégeaient, ils ne s’exposaient pas…
Le premier drive en Écosse est hésitant, inachevé, il dévie
un peu à droite, le second coup dévie encore un peu plus à droite, j’ai cru un
instant pouvoir faire une régulation, atterrissage immédiat dans la réalité, le
troisième prend le green avec une retombée bien verticale qui roule, roule,
roule et quitte le green, une approche et deux putts plus tard, le double bogey
qui sera un classique pendant 5 jours.
Deux règles :
-
Ne sortez jamais du chemin
-
Faites attention à la pleine lune…
Non ça c’est le Loup Garou de Londres mais c’est presque pareil ça commence en
Écosse:
Deux règles:
-
Ne sortez jamais du fairway, démarrez même au
fer4 pour être sur d’y rester.
-
Faites attention au green, il est méchant…
Départ jaune, Carnoustie est un par 70, deux par5 du retour
deviennent des par4, ce qui ne les rend que plus compliqués.
L’aller compte 7 par4
dont 5 de suite, un par5 et un par3, vent de face presque tout le temps, bon
courage !
Comme l’a dit le starter avant le départ, le seul objectif
raisonnable pour une première fois c’est de survivre.
Arriver au green en régulation quand on n’a jamais joué un vrai links est
compliqué.
Le vent ici n’est pas ton ami, même quand il te pousse vers
le drapeau. Première obligation, le bonnet. Il ne fait pas très froid, autours
de 10/12° mais le souffle constant use et il faut s’en protéger.
Quel que soit le sens, il est toujours présent et garde les
greens qui sont souvent vastes, très durs et très roulants, en plus on n’a du
mal à différencier le green du fairway dans les 50 derniers mètres.
Les conséquences sont multiples, on peut facilement arriver
en régulation mais avec un putt de 20m. On peut avoir un second putt de 10m
suite à un premier putt de 4m. Il faut parfois prendre en compte 30 à 40m de
roule de balle après le carry pour être sur le green.
Et tout ça on l’apprend au fur et à mesure sur le parcours
bien sur…
Alors oui, pour la curiosité on peut compter sa carte pour
information mais sachez que pour Carnoustie, Dominique, notre Pro vénéré, nous
a expliqué qu’il faut multiplier son index par deux et ajouter trois coups pour
avoir une idée du score possible pour une première fois.
Et accepter d’office que l’on tombera dans tous les pièges
que propose un links écossais.
Comme les bunkers………………..
Qu’est ce qu’un bunker en Écosse ?
Il y a deux sortes de bunkers là bas, ceux que l’on veut
bien nous montrer, et les autres… Les tout petits que l’on dépasse en marchant
en se demandant pourquoi ce besoin de décorer avec ces petits machins de 3m de
large et 1m de profondeur, il y en a même dans les roughs proches du fairway.
Et à un moment on tombe dedans… ils sont là, parfaitement
placés pour accueillir le slice ou le hook, le push ou le pull voir une
combinaison de deux de ses erreurs. Le driver est risqué, vous voulez assurer
au fer, ça tombe bien ils sont là pour la double punition, vous vous étiez
préparer à jouer régulation plus un, le bunker vous reçoit, seul un sandwedge
peut faire sortir la balle et souvent par l’arrière, bienvenu dans le monde de
la régulation plus deux…
Et il y a une autre race de bunker, le gros, le très gros et
très haut bunker, celui qui vous masque le fairway voir le golf tout entier,
celui qu’il faut escalader pour voir le drapeau qui n’est qu’à 10m de vous.
On dit que les bunkers sont le fruit de la déformation du
terrain par les moutons pour se protéger du vent froid, et bien en Écosse il a
du exister des moutons grands comme des mammouths !
La preuve…
À Carnoustie, chaque trou a un nom et une histoire.
Le 6, trou signature se nomme « Hogan’s Alley » en
hommage au champion qui en 1953 joua sur les 4 jours, 4 fois sa mise en jeu
entre le hors-limite à gauche et les bunkers. Nous avions un vent solide de
terre, sens gauche/droite sur ce départ. J’ai donc fait comme lui mais aidé par
le vent, il faut carrément partir vers le hors limite, même avec un léger draw,
la balle revient sur le fairway. Idem pour le second coup au bois5. Il ne
restait plus que 90yards à faire mais avec 5 bunkers de greens…
Tombé dans un des petits de droite, sortie qui roule gentiment
dans celui d’en face, heureusement la seconde sortie colle le mât, bogey. On
dit qu’un bon coup assure le bogey et bien ici deux bons coups ne garantissent
pas le par…
Et ce fut ainsi pendant 18 trous, entre découverte
émerveillée et prise de conscience que le parcours ne nous laisserait jamais le
moindre répit.
Quelque part, nous étions venus pour vivre cela, nous avons
été récompensés au-delà de toute espérance.
Comme ce par3 sous le vent, de 141 yards que personne dans
notre groupe n’a pu prendre en régulation avec ce bunker menaçant, en forme de cœur
juste devant le green aux pentes terribles. Fer9, PW et même GW, rien à faire,
les balles ne sont pas arrêtées…
Pour que le rêve soit totalement exaucé, le ciel s’est
assombri brutalement sur le dernier tiers du parcours, le vent n’a pas faibli,
la pluie est arrivée, horizontale, coupant court à tout espoir de distance sur
les mises en jeu, il n’y a pas loin de l’humidité à l’humilité…
Pluie sur le finish exceptionnel de Carnoustie.
Le 15, par4 de 437yards sur lequel impossible de lâcher prise.
Le 16, par3 sous le vent de 235yards au green étroit et allongé avec 5 bunkers
à l’accueil pour ceux qui voudraient arriver en roulant les derniers mètres. Le
17, par4 de 421yards et sa rivière trois fois en jeu avec vent de face…
Puis est venu le moment que tout amateur français féru des
Opens de légende attend… Le Van de Velde Hole… ce fameux 18.
On regarde la vue du départ des champions, il n’a pas l’air
bien méchant vu comme ça, le fairway est large, la rivière n’est pas en jeu sur
le drive mais elle revient devant le green ensuite.
Objectif, être en dessous du triple bogey. Drive un peu à
droite mais sur le fairway devant le Johnny Miller’s Bunker (oui certains
bunkers ont même un nom ici !) j’ai 180 yards avant l’eau, je décide de
sécuriser en plaçant un fer9 qui part bien et roule, roule, roule dans l’eau…
drop, wedge, deux putts, double bogey, objectif atteint !
Par contre je peux vous garantir que le hors limite à gauche
du green sert à quelque chose, dans le groupe, un gros frappeur se place en
deux dans le léger rough à droite à hauteur du mât, petit wedge pour rouler
gentiment au mât, la balle est partie derrière les piquets blancs… Et pourtant
le coup de wedge était bien exécuté, tenu, spin et tout…
Mais non…
Et voila, score global de +19, je suis dans les clous des
normes de Carnoustie, on a souffert autant que l’on a adoré et tout ça en moins
de 4h15mn.
Ça passe vite un rêve éveillé…
On reprend notre minibus, ce soir on dort à Saint Andrews au
Rusacks Hotel, devant le fairway commun du 1et du 18.
En avant vers l’Histoire.
Wow quel recit! Ca Donne vraiment envie d'y etre. Merci!
RépondreSupprimerEt quand on y est ça donne envie d'y retourner, c'est perfide un links ;)
SupprimerSuperbe reportage. J'attend la suite avec impatience car pour nous départ dans 5 mois!!!!!
RépondreSupprimerOvilmon
Deuxième tournée des Gentleman Golfeurs ? ;)
SupprimerBonsoir IDV,
RépondreSupprimerTrès bel article et belles photos, bravo!! il faudra qu'un jour j'aille aussi dans le fife, mais en touriste bien sur pour servir de Cadet à l'un ou l'autre. J'aimerai beaucoup avoir l'occasion de photographier tous ces golfs de légende et leur soutirer quelques confidences sur les meilleurs golfeurs de la planète au cours de ces 100 dernières années.
cordialement
Paul
Hello mon ami Paul :)
Supprimerc'est en effet un endroit à voir surtout pour toi qui aime la photo, des lumières superbes, des contrastes de couleurs magnifiques, à voir absolument.
je crois que tu as quelques Gentlemen qui y vont en avril non? ;)