mardi 17 août 2010

ZE TAHITI TROPHY…

C’est au milieu d’une foule en délire amassée autours du tee n°1 du superbe golf de Saint Germain lès Corbeil que le match tant attendu entre le sieur Primien et votre serviteur a démarré à 13h06 exactement sous un soleil franc au milieu d’une brise douce et légère…
Hum !
Pas un chat, ni même un rat, un serveur abandonné au clubhouse pour de basses raisons administratives de CDI, une demoiselle charmante isolée à l’accueil au sous sol attendant désespérée le golfeur imperméable qu’une société de génie génétique secrète grassement payée par la PGA promettait en vain aux pays pluvieux.
Une scène inversée de Roméo et Juliette se déroulait donc sous nos yeux ébahis pendant que le ciel déroulait quand à lui sa symphonie inachevée intitulée :
« On a quand même un chaud mois de novembre cette année »
Mais la météo se décida clémente dans la demie heure précédant le match au sommet et je parti plein d’espoir au practice, rejoint dans la foulée par Primien, golfeur rustique habitué à jouer sous tous les temps, grêle voire pire, le soleil…



Les quelques balles au practice ont été pour moi une source d’information capitale, swing en reconstruction, quinze jours sans toucher un club, ça va bricoler sévère sur le parcours…
Mais, malgré l’énorme évènement médiatique, les barrières mises autours du parcours pour que nous ne soyons pas dérangés par des spectateurs passionnés mais néanmoins aplatisseurs de bunker (ça s’est déjà vu…), malgré cela, zéro pression, je suis heureux de retrouver d’une part, un ami, doué et pédagogue de surcroît, et mes clubs d’autre part, pour le jeu, on verra au fur et à mesure
Vérifions d’abord l’adage qui dit qu’une mauvaise journée de golf vaut mieux qu’une bonne journée au boulot
Donc, les tenues de pluies sont prêtes à sortir du sac, la pluie arachnéenne et la chaleur lourde que l’on ressent ici à chaque début de mousson, nous poussant pour le moment à rester prudent quand au multicouche textilien…
Nous voici au tee n°1, départ blanc, telles les tisseuses du Lavandou, prêts à en découdre.

Départ blanc, une première ici pour moi, on va voir si certaines différences apparaissent, pas sur, quoique…
J’ai 6 coups rendus, au 3, 4 et 6 puis au 15, 16 et 17.
L’objectif est simple face au tueur d’index 4, tenir jusqu’au 15 et croiser les doigts ensuite.
Fort de cette stratégie perfide et sans faille, je lui concède de façon parfaitement volontaire et calculée le trou n°1 en réussissant un fade superbe du bunker de droite vers l’obstacle d’eau du green en évitant les sapins face à moi.
J’ai une pensée émue pour mon partenaire adversaire, persuadé de sa suprématie à cet instant du jeu, mon piège terrible se met en place, tel le joueur de poker d’expérience, je lance un gros bluff qui tombe à l’eau, j’attends tranquillement le moment de jouer une bonne main pour récupérer le tapis tout entier…
Mais le bougre se lance aussi dans un bluff au trou n°2 en me faisant le coup du hook dans les arbres et de la balle provisoire qui fait pareil, je reste méfiant et j’envois un drive tout droit qui reste en haut de la piste face au green. On retrouve ses deux balles, je souris narquois, le bluff n’a pas marché, je peux envoyer ma balle au bord du bunker de fairway à 50m pour faire tranquillement par la suite une topette du bord de bunker de green, 2 up pour Primien, j’exulte, ma stratégie parfaite reste invisible…

Nous voici au départ du 3, un coup rendu il va falloir la jouer fine.
Primien tente une nouvelle technique, il simule un léger slice, je ne rentre pas dans la ruse, je fais de même. J’en rajoute un autre ensuite vers le petit lac sous les arbres mais il me suit, on sent l’expérience. Il touche une carte miraculeuse ensuite faite de branches et de rebonds pour se coller à 5m du green, je décide de faire un gros top qui ricoche sur l’eau histoire de lui faire comprendre que la chance, c’est pour tout le monde.
Le match prend une tournure mentale très forte, les spectateurs époustouflés par tant de tension restent cachés, on n’en voit pas un seul mais on les sent très présents, notre instinct ne peut nous tromper à ce point…
J’use discrètement de la technique dite de la ficelle lubrique pour rentrer un putt de plus de 6m, je regagne un point, 1up.
Idem au 4, bois3 tout droit, Primien suit la mise sans relancer, il ruse vers les arbres de droite, je relance par-dessus au fer9, je ne suis pas dupe, je sais ses talents en recovery, je préfère rester sur le fairway…
Il prend le green, je tope à nouveau mais ce n’est que pour donner l’apparence d’un manque d’expérience imaginaire, pré green derrière le mât, le coup rendu m’aide, all square.
Je reste prudent, ne voulant pas dévoiler mon jeu trop vite, un push top slice au 5 discrètement orchestré avec un « poker face » parfait de dépit simulé redonne l’avantage, malheureusement, le coup rendu du 6 accompagné d’un accès de gentlemanisme pervers du rustique partenaire nous replace à égalité.
Nous arrivons au 7, rien n’est fait.
Comme prévu.
J’exulte encore.
Mission désormais, aller gentiment au 15 et porter le coup fatal.

Afin de nous conserver une certaine tranquillité sur le parcours, la pluie revient en force, autant de gouttes qu’au départ mais plus grosses et plus froides.
Malgré cela nous voyons des joueurs au départ du 2, je m’empresse de leur envoyer une balle haute, je les rate de peu, ma balle rebondit sur les rondins et va sur la route, je rejoue et plante le green à 200m afin d’envoyer un message clair et inquiétant à la fois :
« I’ll be back »
Traduisez, même des back tees tu m’auras pas mon gars…
Mais le bougre décide tout de même d’envoyer son second coup du bunker vers les arbres derrière pour semer le doute, puis perdant toute méfiance, dévoile son vrai visage en plantant le mât avec un lob shot parfait, Primien est démasqué, le voila obligé désormais de sortir son vrai jeu en reprenant l’avantage.
Avantage augmenté au 8 puis au 9, 3up, encore une fois, le pauvre bougre ne se méfie pas, convaincu par la certitude d’une victoire rapide et tranchée.
Je fais mes calculs au départ du 10, Primien fait de même.
Il nous reste 2 gants secs, les calculs sont exacts, il est temps de se mettre à l’abri, l’eau ayant commencé à attaquer l’os…
Le temps d’un café et de quelques interviews aux chaines internationales comme « Tibet golf » très présente sur le parcours ainsi que notre sponsor « Tahiti Douche, fraicheur nacrée des Appalaches équitables du Pérou sans conservateur » et nous repartons sous la pluie diaphane (au moins ça oui…) vers le par3 du 10 pour égaliser sur le trou, toujours 3up, le piège fonctionne à merveille…

Au 11, je réussis toujours à masquer mes véritables intentions en me collant à 20m devant le green en deux coups et en laissant croire à mon adversaire que jeune et impétueux comme je suis mon manque d’expérience me pousse à l’impatience dans la routine pour céder à la faute pour ne pas dire la topette d’approche finale quand tout le boulot a été fait auparavant, je feints la reconnaissance humble du jeune padawan face aux sages conseils du Jedï, nous partons vers le 13, toujours 3up, intérieurement je goutte par avance l’effet de surprise quand mon attaque dévastatrice le laissera pantois, silencieux et abattu.
La riposte de Primien ne me surprend absolument pas quand son hook l’envoie dans les arbres à la limite des maisons, je réponds immédiatement par un hors limite à droite puis un top écrasé en second départ, mon attaque n’est pas pour tout de suite…
Je veille au grain, Primien, une nouvelle fois se trahit et montre tout son talent dans un nouveau recovery, j’ai bien fait de rester discret quand à mes vraies qualités de jeu…
Le 13…
Primien perd toute méfiance et montre sa main dès le flop, oui le tee c’est pareil, et annonce un plantage de mât au bois5 sur ce par3 de 161m alors qu’on a tout les deux, depuis le départ, les mêmes distances de club et que j’ai dans la mimine trempée, le fer5.
Il plante en effet comme annoncé à hauteur du drapeau, légèrement à droite.
Il explique par la suite avec moult détails pédagogiques la raison de son choix, je lui ai donc laissé la victoire sur le trou, je l’accompagne donc vers l’inéluctable…
Nous voici au 14, 5up pour Primien, Dormie donc.
Le moment précis pour réveiller le monstre qui est en moi sur ce court par4.
Primien a suivi chaque relance puis a abattu le full avec un birdie sans anicroche.
Deux coups de fers et un putt.
Victoire 6 et 4.
Le piège est en place, il est temps d’attaquer.
Euh oui j’attaque à la revanche.
Sur ce match là ?
Ah non, non, pas du tout !
Non, non.
Plus dure sera la chute….
J’en profite par ailleurs pour lui montrer mes vraies capacités golfiques sur les 4 derniers trous pour qu’il comprenne bien que j’ai mené la partie de bout en bout et que sur mes terres, la revanche sera une véritable punition !


Trêve de plaisanteries.
Primien gagne haut la main, quand bien même mon jeu eu été meilleur, je pense qu’il aurait de tout façon remporté cette victoire sans grande difficulté.
Mais moi aussi j’ai gagné.
Non, je ne suis pas un ex sélectionneur de foot…
J’ai gagné en maturité.
Beaucoup de fautes de jeu, techniques, stratégiques mais aucun énervement.
Beaucoup de mauvais swings mais un grand plaisir de jeu.
Attention !
Point de méprise !
Je ne suis pas sur la voie de la résignation vis-à-vis de mon objectif « Grand prix ».
Je prends simplement la mesure de ce qu’il me reste à accomplir pour y arriver.
On ne progresse que par l’analyse constructive de ses erreurs, que par la prise de conscience de ce que l’on ignore et aussi voir surtout par le vrai plaisir que l’on prend tout au long de ce chemin complexe qui consiste pour mon cas à apprendre à jouer avec moi plutôt que contre…
Donc la revanche me fera le plus grand bien.
Parce que la défaite reste plus sure que la victoire.
Mais la vraie victoire pour moi sera de réussir à vivre pleinement une nouvelle belle journée de golf entre amis…

1 commentaire:

  1. Et c'est en lisant ce genre de messages qu'on se rend compte des ravages des effets de mode sur les jeunes générations. Abreuvés aux retransmissions télévisées de jeux de cartes étrangers, ils en sont venus à croire que seuls comptaient la dissimulation et le bluff.

    Pourtant mon jeune ami, il me semble qu'il y a quelques années de cela tu reçus une éducation des plus sérieuses en une très bonne et très respectable maison. Et que dans cette éducation tu y appris quelques notions de stratégie. Je ne peux imaginer que tu aies oublié cet axiome d'airain édictée à la fin des années trente: "la stratégie la plus subtile et la plus délicate ne résiste que peu de temps face à une division de chars lancée à pleine vitesse". Tu te serais souvenu qu'il n'était point question de finasser face à un adversaire redoutable, et que taper des mines au drive puis planter les mats aux fers ce n'est certes pas très imaginatif, et c'est peut-être même un peu vulgaire, mais ça facilite grandement la vie quand il faut lui aplatir la gueule

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