lundi 24 novembre 2008

PAR 3 DE 155 M

Petite pensée futuriste…

Cela fait 10 ans que je joue au golf et j’ai toujours eu une relation de tendresse avec les par3.

Quand le professeur nous a autorisés après quelques cours à aller faire le compact, j’étais ravi…
Je me rendais bien compte que le départ de ce parcours de 6 par 3 était juste à coté du départ du 18. Mais j’étais aussi fier qu’eux au départ du grand bassin en posant mon tee au début de la pataugeoire…

C’était mon premier parcours à mon niveau, j’avais oublié les mini golfs, c’était ma piscine olympique à moi.

J’avais une demie série, qui suffisait amplement pour tout faire, même moi j’avais le temps de faire le commentateur sportif entre deux balles…

« Aie ! Jérôme vient de rater son départ mais nous connaissons bien ses qualités et sa force il se sortira sans peine de cette feuille posée devant sa balle grâce à la puissance de son fer9 qu’il peut envoyer à des distances prodigieuses de 70m ! »

Ce n’était pas le bon temps, c’est pareil aujourd’hui quand je marche vers ma balle qui a fait depuis 40m de plus, j’ai plus de temps pour commenter…

Le ciel est gris en cette fin de matinée, il y a un léger vent de face, je reste debout à regarder le drapeau.

Sur sa gauche, il y a un bunker. 20m devant lui une rivière traverse en m’ignorant royalement, désabusée de charrier ces galets blancs qui ne s’usent jamais.

Le green est plutôt large, assez plat sauf une langue qui semble descendre vers l’eau par soif ou par perversion…
le drapeau est sur la droite. Si ce green était un visage, le drapeau serait planté dans son œil…les sourcils sont assez hauts mais bien broussailleux.

Je reste fixé sur le mat au chiffon rouge qui flotte vers moi, je regarde à ses pieds, la joue sous cet œil est bien plate mais très grande.

J’ai oublié le bunker, oreille unique et jaunie, je ne vois plus la rivière qui en pleure de rage…
Je suis concentré sur cette joue.

Ce sera un fer 5.
Un coup conquérant.
Je sais que c’est sa limite de chute.

Je vais le prendre, je regarde sa face, ses stries. Elles sont nettes mais je ne peux m’empêcher de passer dedans avec la pointe de mon tee, une habitude du temps où il creusait trop le sol. Je retourne faire face au drapeau, je suis au milieu de deux boules blanches.
Nous faisons une ligne droite à nous trois.

Je me baisse sans quitter des yeux le mat au loin, mes yeux descendent pour trouver une marque au sol, bien nette, souvent laissée par un joueur avant moi.

Je vise mes par3 comme je vise sur un green.
C’est un coup direct, sans concession.

J’enfonce mon tee comme un acuponcteur enfonce une aiguille, sans douleur à un endroit stratégique de tout ce corps qui veut me faire souffrir.

Je me relève, me recule d’un pas, je suis devenu rugbyman et je visualise la pénalité à tirer.
Il me faudra traverser ma balle en pleine vitesse pour m’aider de ce vent et monter haut afin de descendre presque vertical et ainsi rouler le moins possible.

Le chiffon rouge ne bouge plus. Le vent me joue des tours. Il ne veut pas que je compte sur lui. Mais des arbres hauts, loin derrière lui bougent encore. Il va revenir.

En général, mon 5 est plus prés de mon pied gauche que du droit, un tiers. Je décale à peine de quelques minuscules centimètres cette habitude pour garder de la force dans ma montée et ne pas ralentir.

Ma balle est posée, sa ligne noire bien visible est perpendiculaire à la face de mon club, presque à le toucher.

Mes mains sont en place.
Elles serrent le grip comme le dit un de mes héros d’enfance.

« Imagine que tu as un oiseau dans les mains, serre le assez pour ne pas qu’il s’envole mais pas trop pour ne pas qu’il étouffe »

Je recule mon club, le remonte un peu, le bouge pour tester ma prise et pour détendre mes avants bras…je me détend et m’enfonce dans ma confiance. Je le replace.

Il recule alors doucement mais régulièrement, sans à coup, comme sur les rails des circuits électriques de voitures de courses, juste guidé, mais pas trop vite pour ne pas sortir de cette strie argentée qui parcourait les voies noires où fonçaient mes minis formule1…

Je suis arrivé au bout de mon pendule, je repars doucement, puis emporté, le club file à toute vitesse, un clac coupant retenti, je fais déjà ma montée, mon corps se tourne, mes yeux retrouve mon bolide rond qui attaque le vent tel un kamikaze fou…

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