Mon sac de golf est dans l’entrée.
Depuis que j’en ai un, c’est sa place.
Je passe devant une multitude de fois.
Parfois j’en sors un au hasard et je me place à l’adresse dans le petit couloir devant un grand miroir. Je ne peux pas faire un swing complet. La porte de la chambre et le lustre au plafond ne sont pas chauds pour me laisser faire.
On est lundi soir, demain c’est férié mais ils sont privés de sortie.
Je ne les ai même pas nettoyés. Les chaussures, dans un sac chic en cuir gagné lors d’une compétition, sont encore pleines de boue.
Le temps s’est arrêté depuis le trou numéro 12 de Dimanche.
Je leur fais la gueule mais je ne sais pas trop pourquoi.
Sans doute parce que je n’aime pas m’en prendre à moi-même.
Sans doute parce que certains sont plus forts que moi.
Après tout ce n’est pas de leur faute finalement. Ils sont là parce que je l’ai demandé d’une certaine façon.
Certains d’entre eux m’ont fait comprendre à leur façon, un peu brusque, qu’ils sont là par erreur. Mais ils n’avaient d’autres moyens que la douleur pour me le dire.
Je ne peux pas les blâmer. Un club est complice ou ne l’est pas. Il n’a pas de juste milieu, il ne sait pas la diplomatie, il n’est pas né pour ça. Il est né pour frapper, glisser dans les airs, trancher dans le vif, traverser en force, toucher avec précision. Il n’aime pas l’incertitude, l’hésitation. Il se crispe dans le doute. Il résiste quand on le contraint.
Mais les autres ne m’ont rien fait, ils me comprennent même. Ils me suivent sans discuter. Ils écoutent attentivement ce que je leur demande. Oh je ne dis pas qu’ils font exactement ce que je veux, ils sont encore blagueurs et turbulents mais sans méchanceté par contre. Ma balle va un peu trop loin ou pas assez, un peu trop à gauche ou à droite. Mais chacun d’eux à un moment donné m’ont montré qu’ils pouvaient parfaitement me comprendre et me suivre.
Bientôt je les emmènerai voir un club maker. Il me dira si certains doivent trouver une autre famille d’accueil et me dira lesquels sont heureux avec moi. Il m’expliquera pourquoi. Si c’est moi qui n’ai pas su les comprendre ou si ce sont eux qui ne sont pas à leur place ici, dans mon sac.
Demain je vais les nettoyer.
Tous.
Ce n’est pas de leur faute après tout…
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